lundi 30 novembre 2009

L'Environnement est un Projet Politique

Planète/Environnement/Energie

Allemagne : Rai-Breitenbach, village énergétiquement indépendant

Autosuffisante, la commune de Rai-Breitenbach,produit électricité et chauffage à partir de copeaux de bois, sans émissions de carbone. Alors que les tractations diplomatiques précédant Copenhague s'avèrent difficiles, le concept des villages énergétiquement indépendants « Bioenergiedörfer », gagne toujours plus de terrain en Allemagne.

« Notre village ne fait plus parti du problème. Si la lutte contre le réchauffement climatique capote, nous n’y serons pour rien », déclare, non sans fierté, Horst Stapp, le maire de Rai-Breitenbach, un village situé au sud de Francfort. Cela fait maintenant plus d’un an que cette petite commune de 900 habitants, située dans l’Odenwald, la région forestière qui s’étend au sud de Francfort, se chauffe et s’éclaire grâce aux copeaux de bois de la région.

Ce sont 600 000 litres de fuel et 1 200 tonnes de CO2 qui sont ainsi économisés chaque année.

Un projet qui part de la base

Cinq ans auront été nécessaires entre la visite à Jühnde, le premier village énergétiquement autosuffisant d’Allemagne, et la mise en service de la centrale à cogénération à Rai-Breitenbach en août 2008. Mais contrairement à Jühnde, le projet de Rai-Breitenbach « est parti du bas vers le haut », insiste Horst Stapp. De fait, Jühnde, devenu entre-temps une référence mondiale, est l’aboutissement d’un projet d’étude mené par l’université de Göttingen et encadré à l’époque par le Ministère de l’éducation et de la recherche. Le but de la démarche universitaire était de démontrer qu’il était possible de transformer un village classique en un village autosuffisant, en faisant de Jühnde un modèle à suivre. Un pari gagnant : « Ce qui est faisable à Jühnde l’est également à Rai-Breitenbach », conclut l’ingénieur.

Or, si Jühnde a pu profiter des subsides de l’Etat prodigués dans le cadre du programme de recherche (environ deux millions d’euros), le village de Rai-Breitenbach n’a pas eu d’autre choix que de s’appuyer sur ses propres deniers. Première étape : convaincre les habitants du village de l’opportunité économique du projet, son coût total s’élevant à 3,5 millions d’euros. Le maire de la petite commune ne s’appesantit pas sur l’énergie qu’il a fallu déployer pour convaincre les 150 ménages… Toujours est-il qu’une coopérative a été créée, chaque ménage ayant versé 4500 euros - auxquels il a fallu ajouter les frais individuels de démontage des chaudières de fuel. Le Land de Hesse a participé à hauteur de 300 000 euros et le canton à 130 000 euros. Les 2,4 millions d’euros restant ont été financés via la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), le pendant allemand de la Caisse des dépôts.

Un projet politique

La coopérative engendre actuellement un chiffre d’affaires de 500 000 euros et fixe elle-même ses tarifs à l’énergie. Pour le moment, le prix du kilowatt/heure est fixé à 11 centimes – contre une moyenne nationale oscillant autour des 20 centimes. « Nous travaillons de manière neutre : nous ne voulons pas faire de profit, mais nous ne voulons pas non plus perdre d’argent », résume Horst Stapp. Et le maire social-démocrate d’ajouter : « En tout cas, nous ne payons plus pour financer les bonus extravagants des directeurs des oligopoles ». Le pilier environnemental du projet ne saurait cacher les piliers politiques qui le sous-tendent. Ainsi, le maire du village ne manque jamais de souligner que l’argent de la région circule maintenant en circuit fermé : « Avant ce projet, notre argent partait en Russie ou en Arabie Saoudite. Et chez nous, qu’est-ce qu’il en restait ? Rien ». Désormais, investissements et bénéfices sont redistribués dans la région et profitent à l’artisanat local, spécialisé dans le bois. « Ce modèle peut être adapté n’importe où dans le monde, tout dépend de la matière première qui est à disposition », précise Horst Stapp. Le nombre de délégations venues lui rendre visite, du Brésil à la Corée du sud en passant par l’Inde et le Japon, semble en tous cas lui donner raison.

L’Allemagne compte actuellement 23 de ces « Bioenergiedörfer », et la tendance est à la hausse. Au Ministère de l’agriculture, on explique ce succès précisément par des considérations politiques locales. Auquelles il faut ajouter « des composantes sociales comme la réanimation de la vie politique d’un village et le renforcement des liens sociaux ». Pour épauler les intéressés potentiels, le Ministère met à disposition un site internet spécialement dédié à l’organisation des villages autosuffisants, ainsi qu’un guide détaillant étape par étape la création d’un « Bioenergiedorf ». Ce modèle a-t-il de l’avenir ? Dierk Bauknecht, chercheur à l’Öko-Institut de Fribourg, confirme l’importance grandissante d’une production d’énergie renouvelable décentralisée en Allemagne. Si étendue même, qu’il voit la nécessité à terme « d’intégrer ces systèmes décentralisés avec des structures centralisées axées autour des technologies de la communication ». Et de s’interroger : « La question de savoir quel effet un tel développement aura sur la garantie d’une fourniture énergétique reste totalement ouverte ».


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