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Après la métropole Nice Côte d’Azur [1], c’est au tour de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur de voir sa gestion passée au crible. Le conseil régional du 25 octobre 2013 a, en effet, rendu public le rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes qui porte principalement sur la période 2006-2010 (sous la présidence de Michel Vauzelle, donc).
Bonne nouvelle : « la situation financière apparente dela région PACA, meilleure en 2011 qu’en 2004, n’est pas préoccupante ». Mais les magistrats émettent néanmoins de nombreuses et sévères critiques notamment sur l'attribution des subventions et le recrutement du personnel. Morceaux choisis :
Un accroissement de l’endettement
« À la fin de l’année 2011, l’encours de la dette dépasse 1,7 Md€, en augmentation de 31 % par rapport à 2006. Ramené au nombre d’habitants, il est nettement plus élevé que dans les autres régions hors Ile-de-France (334 € contre 255 €). Il représente 4,4 années de capacité d’autofinancement brute entre 2007 et 2009, 4,6 années en 2010, ce qui apparaît comme très soutenable mais relativement médiocre par rapport aux autres régions dont le ratio moyen est de 3,8 années. […] »
Des irrégularités dans l’attribution des subventions
« La chambre relève quelques situations présentant un risque fort d’irrégularité, non détecté lors de l’instruction. […]
La commission des sports de juin 2011 a entériné l’octroi d’une subvention de 35 000 € à une association pour l’organisation d’une étape qualificative française de la finale de la coupe du monde de triathlon de Las Vegas. Or il ressort des justificatifs produits que la gestion et la coordination de l’événement sont sous-traités à 95 % à une agence spécialisée dans le marketing et l’organisation d’événements sportifs, les 5 % restants n’étant pas justifiés. La subvention échoit dans ces conditions, quasi intégralement entre les mains d’une entreprise privée, poursuivant un but lucratif. […]
Trois associations partenaires ont été subventionnées conjointement : le Centre mondial du judaïsme nord-africain a bénéficié de 78 000 € de subventions entre 2007 et 2010 pour l’organisation de manifestations culturelles qui, pour certaines, se déroulent en partenariat avec deux autres associations également subventionnées par la région : le Centre culturel juif Edmond Fleg et le Comité de coopération Marseille-Provence-Méditerranée (CCMPM) […] Le Centre mondial du judaïsme et le Comité de coopération MPM ont le même président et la même domiciliation. Les rapports d’activités et les bilans financiers produits par les trois associations mentionnent l’organisation des mêmes manifestations culturelles […]. Il n’est donc pas à exclure, ce qu’elle reconnaît, que la région ait pu financer plusieurs fois une même manifestation. […]
Certains rapports d’activités produits conduisent à s’interroger sur la crédibilité des actions financées.
Un exemple met en exergue la faiblesse des contrôles de la collectivité : en 2007 une subvention d’investissement de 26 000 € et une subvention de fonctionnement de 56 000 € sont accordées à une association enregistrée à la préfecture le 10 novembre 2006 qui a pour objet de “promouvoir l’innovation collaborative ainsi que le montage d’opérations liées au développement ou à l’amorçage de projets innovants sur les territoires français et algériens au sein des organisations”. La contradiction menée à la suite de l’instruction de la chambre a confirmé que les factures justifiant la subvention d’investissement concernaient des travaux au domicile du président, où l’association à son siège. […]
La quasi absence de contrôle d’exécution des subventions dont 80 % sont forfaitaires et payées en totalité dès notification, l’absence de tableau de bord de suivi d’exécution (hors celui du suivi des rapports de l’inspection générale des services) nuisent au bon emploi des deniers régionaux. »
Des atteintes à la Laïcité
« La laïcité est ainsi un élément de la neutralité et les associations cultuelles ne peuvent pas, selon les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l’Etat, bénéficier de subventions. Quatre associations de ce type ont cependant été subventionnées par la région. […]
Dès lors paraissent irrégulières les subventions octroyées aux associations suivantes qui mènent une action politique attestée par leurs sites internet et leurs rapports d’activités :
- Conseil représentatif des institutions juives de Francerégion Marseille Provence, à Marseille qui bénéficie en 2008 d’une subvention de fonctionnement de 70 000 € […] ; d’une subvention de 30 000 € pour l’organisation d’une réception privée en soirée au parc Borely commémorant le soixantième anniversaire de l’Etat d’Israël. […] Une subvention de 90 000 € est également accordée la même année pour le fonctionnement de l’association […] ; le rapport d’activités produit en justificatif fait état notamment de l’organisation le 11 janvier d’“une grande manifestation de soutien à Israël dans le conflit qui l’oppose aux terroristes du Hamas à Gaza”.  Des subventions de fonctionnement ont continué à être versées pour les exercices 2010, 2011 et 2012 (délibération du22 février 2013). Par ailleurs, la chambre relève que la même association bénéficie en 2009 de 50 000 € pour un jumelage entre deux lycées marseillais et un lycée israélien. […]
Les concours attribués aux associations citées ci-après présentent les mêmes caractéristiques :
- Union des étudiants juifs de France Marseille Provence à Marseille (6 000 € en 2009) et Bne Akiva (8 000 € pour le fonctionnement en 2009) […] ;
- Action pour la taxation des transactions pour l’aide aux citoyens (ATTAC) à Montreuil (9 050 € pour l’organisation d’un forum social dans la région en mai 2010, pour la réalisation de la 10e université citoyenne d’été à Arles ;
- Conseil de coordination des organisations arméniennes de France à Marseille (35 000 € de subvention de fonctionnement en 2009), qui sur son site internet “dénonce l’attitude des sénateurs, du gouvernement et de l’Elysée qui font disparaître le recours obligatoire au référendum dans le cadre de l’adhésion de la Turquie à l’Union.”
Des sommes irrégulièrement versées à des associations et groupes politiques
« Des dotations mensuelles avaient été irrégulièrement versées entre 1987 et 1994 aux associations et groupes politiques du conseil régional, alors sans aucun fondement législatif […].Comme les dotations de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur couvraient des charges excédant les autorisations législatives, la région a émis des titres, au début de l’année 1996, à l’encontre des groupes d’élus du conseil régional pour la part des frais non couverte par la loi. Plusieurs partis se sont acquittés intégralement de leur dette.
En revanche, les trois principaux bénéficiaires, l’amicale des élus RPR, l’association des élus socialistes et apparentés et le groupe Front National sont demeurés débiteurs de sommes importantes.
Concernant l’amicale des élus RPR dont la dette envers la région s’élevait à 99 987 €, une première tentative de saisie-vente de juillet2005 a échoué (carence). Le comptable a relancé l’ordonnateur [c'est-à-dire le Président du Conseil régional] en 2007 et 2008 pour une nouvelle procédure de saisie, sans obtenir de ce dernier l’autorisation nécessaire.
Pour l’association des élus socialistes dont la dette était de133 653 €, une tentative de saisie-vente de juillet 2005 suivie d’une saisie-attribution, ont échoué car l’association n’était plus alors domiciliée à son adresse connue, celle de la région.
S’agissant enfin du groupe Front National, des poursuites engagées en 2005 ont permis un versement partiel de 25 646 €. Les autres demandes d’autorisation de poursuites adressées par le comptable à l’ordonnateur sont restées sans suite. En 2008, l’échec de la notification d’une lettre a mis en évidence la disparition de l’association à l’adresse connue. La dette s’élevait à 415 790€.
Ces trois associations politiques n’ont pas reversé les sommes irrégulièrement perçues. […] L’ordonnateur n’a pas suffisamment soutenu les diligences du comptable, ce qui a compromis définitivement le recouvrement et conduit ce dernier à demander l’admission des créances en non-valeur. La région a inscrit les crédits nécessaires à son budget et a procédé par délibération du 14 décembre 2012 à cette admission. »
Des conditions de recrutement discutables
« Les conditions de recrutement et de déroulement de carrières des agents contractuels sur emploi permanent, en nombre important dans la collectivité, appellent de nombreuses observations.
Beaucoup de recrutements méconnaissent les conditions permettant de déroger au recrutement de fonctionnaires territoriaux. Le mode de recrutement intuitu personae privilégié par la région pour les collaborateurs de groupes politiques est d’autant plus critiquable que les embauches sont parfois pérennisées à l’issue des mandatures.
Plusieurs agents contractuels ont bénéficié de transformations abusives de leur contrat en contrat à durée indéterminée, voire de titularisations discutables. D’autres ont été gratifiés de conditions de rémunération et de déroulement de carrière très favorables voire meilleures, en dépit de la loi et des délibérations adoptées par le conseil régional, que les agents titulaires de niveau équivalent ayant une ancienneté comparable voire plus importante. Enfin, une concentration de montages juridiquement fragiles et destinés à maintenir les intéressés sur un emploi permanent de la collectivité, tout en leur assurant un niveau de rémunération élevé, a été observée pour les collaborateurs de cabinet. […]
Officiellement la région respecte le nombre de collaborateurs de cabinet prévu par les textes, à savoir 14 personnes dont un directeur et un chef de cabinet. Toutefois cet effectif ne donne pas une image fidèle des moyens humains mobilisés par le cabinet du président.
Au vu des extractions de données du fichier de la GITT, 26 autres agents dont trois attachés et les six personnes précitées du service accueil, sont affectés à cette structure alors même que l'annuaire de la région mentionne une affectation différente, le plus souvent la direction générale des services. »
La « situation atypique » de la commune d’Arles
« Le tableau suivant retrace le détail des subventions versées par la région aux associations des villes de la région appartenant à une même strate démographique comprise entre 40 000 et 80 000 habitants. Il fait ressortir la situation atypique de la commune d’Arles qui, avec 53 293 habitants, a perçu, en 2010, 4,75 M€ de subventions de la région, soit 89,20 € par habitant [2] avec 146 organismes subventionnés. […]
Il existe également un bureau du conseil régional à Arles qui emploie trois agents et qui est rattaché non pas à la direction des antennes mais à la direction des moyens généraux. Il ne figure pas dans l’organigramme et il se confond avec la permanence parlementaire du président de la région, située au même endroit. Certes, ce dernier n’occupe qu’une partie des locaux (un petit bureau dédié à son assistant parlementaire) et paie un loyer à ce titre. Toutefois l’aménagement des locaux et la plaque à l’extérieur de l’immeuble ne font aucune référence à un service de la région. […]
Le sort particulier réservé au territoire arlésien se justifierait par le nombre très important de ses associations. Dédier cependant trois agents (un cadre A et deux cadres C) à la réception et à la photocopie de 143 dossiers déposés en 2011 ne paraît pas relever d’une bonne économie des moyens. […]
D’une manière plus générale les personnes rencontrées à l’antenne de Nice ou au bureau d’Arles ont insisté sur le fait que leur mission consiste au premier chef à assurer le suivi des dossiers de subventions afin d’éviter qu’ils ne s’égarent ou ne stationnent longuement dans les services régionaux. Une meilleure organisation du parcours des dossiers dans les services de la région, commençant par l’enregistrement systématique du courrier qui fait encore défaut, rendrait en grande partie inutile l’implantation coûteuse de ces structures locales. »
Note :